Louise Labé : une femme remarquable à
la Renaissance

Louise Labé: A Remarkable Renaissance Woman

Louise Labé: una mujer admirable del Renacimiento

Helena Brian Quérè

Maestría Académica en Literatura Francesa

Universidad de Costa Rica

Résumé

Cet article traite d´une poétesse française, Louise Labé, du XVIème siècle. Dans une première partie nous analyserons l´éducation qu´elle a reçue. C´était une éducation « à l´italienne », différente à celle que recevaient les jeunes françaises d´une certaine classe sociale de l´époque. Ensuite nous allons voir comment Louise Labé croyait que la femme est un être égal à l´homme. Elle revendique l´indépendance de la pensée, la liberté de parole, le droit à l´éducation et l´importance de la femme dans la société. Puis nous étudierons quelques particularités de ses œuvres, comme par exemple, Louise Labé donne une place aux femmes mais pas comme objets. Elle inverse les rôles masculins et féminins dans ses œuvres. Et dans une deuxième partie nous verrons l´image de la femme chez la poétesse. Une femme amoureuse mais qui possède une voix.

Mots clés : Louise Labé, femme, rôles, pouvoir, liberté, égalité

Abstract

This article focuses on a French poetess, Louise Labé, from the sixteenth century. In the first part we will analyze the education she received. It was an “Italian” education, different from that received by young French people of a certain social class at the time. Next we’ll analyze how Louise Labé believed that women were equal to men. She claimed independence of thought, freedom of speech, the right to education and the importance of women in society. Then we will study some of the particularities of her works.
For example, Louise Labé gives a place to women but not as objects, and she reverses male and female roles in her works. In the second part we will see the image of the woman in the poet's work. A woman in love but with a voice.

Keywords: Louise Labé, Woman, Roles, Power, Liberty, Equality

Resumen

Este es un artículo que trata de una poetisa francesa, Louise Labé, del siglo XVI. En una primera parte se analizará la educación que ella recibió. Una educación “a la italiana”, diferente a la que recibían las jóvenes francesas de cierta clase social de la época. Luego se verá cómo Louise Labé creía que la mujer es un ser igual al hombre. Ella reivindica la libertad de pensamiento, de habla, el derecho a la educación, y la importancia de la mujer en la sociedad. Después se estudiará algunas particularidades de sus obras, como por ejemplo, Louise Labé proporciona un lugar a las mujeres pero no como objetos. Ella invierte los roles masculinos y femeninos en sus obras. En una segunda parte se analizará la imagen de la mujer según la poetisa. Una mujer enamorada poseedora de una voz.

Palabras clave: Louise Labé, mujer, roles, poder, libertad, igualdad

Introduction

Louise Labé est une poétesse française du XVIème siècle, elle est née à Lyon en 1524, surnommée « La Belle Cordière », elle fait partie des poètes en activité à Lyon pendant la Renaissance. Elle représente une figure féminine de cette époque-là en France car c´est une époque de renouvellements pour l´homme mais pas pour la femme. Comme dit Béatrice Alonso (2005) dans son travail intitulé Louise Labé ou la lyre humaniste : écriture « féminine », écriture féministe : « L´ouvrage est remarquable par rapport à l´ensemble de la production de la première moitié du XVIème siècle. Que l´auteure soit une femme joue un rôle prépondérant dans la fascination que le texte a exercé et exerce toujours sur la critique » (Alonso, 2005, p. 2).

Louise Labé réussit à bousculer les idées du XVIème siècle : la femme n´est plus l´objet du désir masculin. C´est le contraire, l´homme devient objet de désir féminin. Cependant la poétesse ne transmet pas de haine envers les hommes, elle cherche l´équilibre, l´égalité. Elle est pionnière car elle donne aux femmes une place différente que celle donnée par les hommes. Dans ses œuvres, elle exprime les joies amoureuses, l´érotisme, la douleur, la passion charnelle.

Nous nous demandons dans quelle mesure Louise Labé inverse-t-elle les rôles masculins et féminins dans ses œuvres ? Pour répondre à cette question nous allons tout d´abord voir que Louise Labé était une femme cultivée grâce à son excellente éducation. Puis, dans une deuxième partie nous verrons l´image d´une femme amoureuse mais possédant une voix.

Louise Labé : une femme cultivée

Une éducation « à l´italienne » Louise Labé est surnommée « La Belle Cordière ». Son père, Pierre Charly, était un artisan. Il lui donne une très bonne éducation : distinguée, « à l´italienne » car c´était le modèle à suivre. D´après Dorothy O´connor (1926) dans Louise Labé : sa vie et son œuvre, les idées venues d´Italie enseignaient à traiter la femme presque comme l´égale à l´homme. En Italie les jeunes filles pratiquaient des sports et des exercices avec les garçons. Puis, elles apprenaient le latin et le grec. Les connaissances de Labé en latin étaient beaucoup pour une femme française de cette époque-là, surtout pour la fille d´un cordier. Savoir le latin et écrire des vers en cette langue étaient peu commun. De plus, elle parlait d´autres langues. Puis, Louise Labé avait du talent pour la musique, elle composait et chantait. Et, comme, les italiennes, elle prenait soin de son corps, de sa façon de s´habiller. Elle s´inquiétait pour son physique. Elle faisait très attention à son image. Cependant, elle était convaincue que la femme est égale à l´homme. C´est à cette éducation qu´elle doit ses idées « féministes ».

Néanmoins, d´après Alonso (2005), Louise Labé se marie avec Ennemond Perrin. Il était cordier, il avait hérité du commerce de son père. Il était beaucoup plus âgé que sa femme. Même si le père de Louise avait une autre perspective de la vie, il a marié sa fille car à l´époque si les jeunes filles n´étaient pas mariées cela était mal vu. Cependant, elle a eu de nombreux amants dont le poète Olivier de Magny, avec lequel elle composa plusieurs textes. Elle recevait des condamnations morales de la part de la société. Puis, elle était considérée parfois comme une courtisane.

Par la suite, selon Audrey Sánchez (2014) dans son travail L´image de la femme au XVIème et au XVIIème siècle, Labé était une poétesse féministe à
l´image d´autres femmes de lettres de l´époque. Elle revendiqua l´indépendance de pensée, la liberté de parole amoureuse et le droit à l´éducation. Elle défendait ces sujets-là dans le Débat de Folie et d´Amour. Elle réclame l´importance de la femme dans la société et le besoin d´étudier. Une femme exceptionnelle déclarant qu´elle voulait voir les femmes « non en beauté seulement, mais en science et vertus passer ou égaler les hommes » (Dédicace à Mademoiselle Clémence de Bourges, 1555) ; et pour cela elle demande aux « vertueuses dames, d´élever un peu leur esprits par-dessus leurs quenouilles et leur fuseaux ». Labé était une femme différente pour l´époque non pas seulement pour ses idées féministes mais aussi parce qu´elle s´habillait même en homme pour monter à cheval au mépris des condamnations religieuses de l´époque. De plus, elle a appris à maîtriser des armes traditionnelles réservées aux hommes. Cela était peu commun à son époque.

Une poésie différente. Louise Labé a écrit Épître Dédicatoire en 1545-1555, Les trois élégies en 1553, Débat de Folie et d´Amour vers 1554-1555. Dans ses textes elle exprime la liberté de pensée, la liberté de parole amoureuse et le droit à l´éducation. Elle traite aussi le thème de l´amour, de l´érotisme et de la souffrance. Elle est considérée pour certains comme la « maîtresse des passions extrêmes » et parfois comme la nouvelle Sapho.

Comme nous l´avons déjà mentionné, dans la poésie de Louise Labé, c´est l´homme qui devient objet érotique. La femme a le rôle du sujet de l´énonciation, elle est plutôt l´amante et pas l´aimée, c´est elle qui souffre et qui désire.

Ce qui distingue la poésie de Louise Labé c´est la construction fixe de ses sonnets, les antithèses, et la lyrique amoureuse. L´amour est considéré plutôt comme un désir. De plus, les sonnets de Labé se caractérisent par leur spontanéité et la sincérité des sentiments que la poétesse exprime. Ces derniers représentent généralement des sentiments contradictoires, un mélange entre la souffrance et le bonheur, le plaisir et la douleur, par exemple le sonnet « Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie » publié en 1555 tiré du recueil Débat de Folie et d´Amour et Elégies et sonnets, inspiré de Pétrarque de la poésie amoureuse. C´est un sonnet en décasyllabe à rimes embrassées. Il a pour sujet l´amour mais c´est original pour l´époque grâce à la variété des émotions que la poétesse transmet à l´intérieur d´une forme fixe :

Je vis, je meurs ; je me brûle et
me noie;

J’ai chaud extrême en endurant froidure :

La vie m’est et trop molle et
trop dure.

J’ai grands ennuis entremêlés de joie.

Tout à un coup je ris et je larmoie,

Et en plaisir maint grief tourment j’endure ;

Mon bien s’en va, et à jamais il dure ;

Tout en un coup je sèche et je verdoie.

Ainsi Amour inconstamment me mène;

Et, quand je pense avoir plus de douleur,

Sans y penser je me trouve hors
de peine.

Puis, quand je crois ma joie être certaine,

Et être au haut de mon désiré heur,

Il me remet en mon premier malheur.

Ensuite, l´Épître dédicatoire à Clémence de Bourges est un texte important pour l´histoire de l´humanisme et le féminisme. Elle écrit au nom du « bien public ». Elle demande aux « dames vertueuses » de ne pas se laisser dominer par les hommes. Labé invite ses lectrices à s´entraider, à s´encourager mutuellement, et à s´unir.

Nous mentionnons Le Débat de Folie et d´Amour qui est un conte mythologique dialogué en prose qui traite, de façon allégorique, des aspects conflictuels de la passion et du désir. Le thème est le partage actif du pouvoir entre hommes et femmes. Labé exalte le débat entre les deux sexes pour le bien public et veut que la femme en fasse partie.

Nous constatons que la poétique de Louise Labé est le reflet de son époque, de ses lectures et de ses convictions. L´auteure se nourrit des fables mythologiques puis elle utilise le répertoire antique et allégorique où les dieux et les déesses sont les représentants symboliques de ce monde. De plus Labé évoque plusieurs fois la différence sexuelle. Le Débat peut alors être lu comme l´affrontement des sexes face à la morale du contexte de la Renaissance. Louise Labé propose de voir son « sexe » non pas seulement en beauté mais en intelligence. Nous remarquons que la place faite aux femmes dans l´œuvre de Louise Labé n´est pas dans une perspective
« féminine » mais « féministe », c´est-à-dire, les femmes qui ont été invisibilisées, les rendre visibles, et de leur rendre la parole qui leur a été confisquée.

Ensuite, Alonso (2005) dit que « L´auteure lyonnaise suit probablement l´exemple des italiennes qui, […] voient dans l´art de cour un modèle de promotion sociale, notamment des femmes » (Alonso, 2005, p. 11). Puis Alonso (2005) ajoute que « Labé tenait un discours féministe en se servant de toutes les formes d´expression que lui permettait l´humanisme renaissant » (Alonso, 2005, p. 11). L´auteure explique par la suite que les Œuvres sont un mélange de genres et de formes d´expression littéraire et qui développent un humanisme particulier de Labé. Alonso (2005) continue en disant que Les Œuvres appartiennent à un projet humaniste, qui peuvent être considérées comme un discours féministe, écrit au féminin et qui n´est pas une expression de la « féminité » Puis que l´humanisme de Labé se différencie de l´humanisme concernant l´exploitation d´une philosophie renaissante au profit d´un projet féministe. Alonso (2005) montre que « Louise Labé rédige une Épître Dédicatoire aux accents féministes, percevant que l´humanisme peut servir l´émancipation des femmes de son temps […] » (Alonso, 2005, p. 12). D´autre part les Œuvres de la poétesse sont « l´expression d´un je mis en scène, fait d´une apparence de chair et de sang, qui dit sa souffrance d´aimer. Le corps des femmes est, de ce point de vue, au centre de la poésie lyrique des hommes de la Renaissance, corps morcellé et érotisé […] » (Alonso, 2005, p. 25).

Nous reconnaissons que la mythologie est un des éléments essentiels pour la construction poétique pendant la Renaissance. Comme dit Alonso (2005) « elle permet aussi aux auteur-e-s renaissant-e-s de s´incarner, en tant que personnages de leurs propres œuvres, par l´intermédiaire de figures mythiques valorisantes » (Alonso, 2005, p. 211) Par la suite Louise Labé « va utiliser des mythes qui dominent la pensée humaniste du XVIème siècle : Sapho, Orphée, Vénus, Diane, Apollon, Mercure, Pallas, Arachné, Folie et bien sûr Amour […] » (Alonso, 2005, p. 211) De plus « le mythe de Diane permet donc à Labé de se projeter dans plusieurs représentations symboliques d´elle-même » (Alonso, 2005,
p. 214). Comme l´explique Alonso (2005) :

La mythologie virile symbolisée par ces personnages de femmes guerrières, dans lesquelles le je des œuvres se projette, permet non seulement à l´auteure de créer une complicité entre elle et son lecteur érudit de la Renaissance, mais aussi de remettre en cause l´ordre patriarcal, la distinction des sexes en genres et en comportements sociaux attendus, prenant pour cela appui sur les modèles d´Ovide, de Boccace, de Pizan.  (Alonso, 2005, p. 214)

De plus, Alonso (2005) ajoute que « la virilité affichée des mythes utilisés par Labé […] lui permet de bâtir sa propre légende, tout en servant son propos politique […] » (Alonso, 2005, p. 214).

Puis Alonso (2005) rappelle que :

Louise Labé incite les femmes à « s´appliquer aus sciences et disciplines […] et montrer aus hommes le tort qu´ils nous faisoient en nous privant du bien et de l´honneur qui nous en pouvoit venir » Non seulement il s´agit d´inciter les femmes à écrire mais en plus de leur permettre de « non dédaigner la gloire » […] Elle est à la fois l´incitatrice et le modèle (Alonso,
2005, p. 215).

Nous citons Jean-Baptiste de Proyart (2011) qui explique que la parution des Œuvres en 1555 de Louise Labé a participé au renouvellement poétique de la Renaissance en France. De plus, c´est une femme qui arrive à un moment important de l´histoire de la poésie. De Proyart (2011) ajoute que Labé se place pour certains dans la lignée d´une écriture dite féminine.

L´image de la femme chez Louise Labé

Une femme amoureuse. Nous constatons que dans la poésie de Louise Labé il y a la présence d´une conception de l´amour « platonique », c´est-à-dire, un amour rêvé, qui fait de l´être aimé un idéal de perfection. Donc, un modèle de perfection se présente, celui de l´être aimé, et la poétesse doit affronter ses propres contradictions. Son désir d´amour absolu ne peut mettre de côté son attirance physique pour l´homme de ses rêves. De nombreux sonnets expriment une grande sensualité, ce qui fait de son œuvre une exception à l´époque.

Le poète italien Pétrarque a influencé la poésie de Louise Labé. Dans son œuvre intitulée Canzonniere, le poète exprime sa passion absolue pour Laure, l´amour de sa vie, dont la mort prématurée va le déranger. Nous retrouvons dans la poésie de Louise Labé cette tension entre amour physique et amour mystique cause de souffrances et de joies. Les figures de style de l´hyperbole, la métaphore,
la comparaison, la périphrase et l´antithèse sont très utilisées afin d´exprimer de la meilleure façon les effets du désordre amoureux.

Dans certains sonnets de Labé, nous avons l´image de la femme amoureuse, l´homme est plutôt l´être aimé. Louise inverse les rôles. C´est la femme qui souffre à cause de l´amour, et l´homme n´est qu´un objet, il ne parle presque pas, il est à peine mentionné, souvent nous ne connaissons pas son nom ou prénom, d´où il vient, ce qu´il fait. Généralement nous avons peu de référence sur l´être aimé. L´image de femme dans les sonnets de Labé est celle d´une femme qui aime, désire, souffre, exprime ses sentiments et émotions, qui est aimée. Ce n´est pas une femme passive et sans voix (comme l´image de la femme chez Ronsard), chez Louise la femme est plutôt dynamique, contradictoire, sentimentale, amoureuse, affective ; elle pense. C´est une femme plutôt passionnée comme nous le remarquons ans son sonnet « Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie », déjà cité antérieurement.

Les femmes, comme toutes les minorités en droits, si elles n´ont pas accès à l´éducation, elles ne représentent pas de danger pour les hommes. Donc, c´est mieux de laisser les femmes dans l´ignorance pour que les hommes les gouvernent comme ils le désirent. Ce qui pose problème pour la société de l´époque et surtout pour les écrivains de la Renaissance c´est qu´une femme s´approprie de la parole, exprime un désir, un érotisme et prenne possession d´un savoir qui appartient « normalement » à l´homme. La vision établie de l´ordre du monde où la femme est considérée comme un objet de désir, subissant, passif et dominé, est complétement renversée avec la prise de pouvoir de parole d´un « je » lyrique féminin, sujet de son désir.

Le « je » lyrique n´est plus seulement celui de celle qui souffre et pleure à cause de son amour, mais est devenu celui de celle qui célèbre. Elle a réussi à surmonter ses expériences et peut même aider d´autres femmes à surpasser cette douleur ou cette souffrance. Se connaître soi-même permet sans aucun doute la libération de l´être et donc, c´est plus facile d´aller vers les autres. C´est grâce à la connaissance et au savoir, passant par une connaissance de soi, que nous pouvons progresser, changer et renaître.

Une femme possédant une voix.
La tradition poétique va garantir le rôle d´objets qui a été donné aux femmes dans la société médiévale, codifiée et déterminée par la religion. Les femmes sont souvent des objets symboliques, muets, qui n´existent au travers des écrits, des hommes, qu´au travers même du regard que posent sur elles les hommes. Les femmes se taisent et les hommes parlent ; ils parlent d´elles, pour elles. Les femmes doivent rester à l´intérieur des monastères ou des maisons où elles réaliseront des activités qui tiennent occupés leurs mains et leur esprit. Labé a des postures « féminines » en les mélangeant avec des postures « masculines », ayant comme résultat une discrète subversion des codes.

À la Renaissance, le poète doit sacraliser l´objet aimé et doit dominer la femme. Elle est considérée comme un objet délicat, et qui instruit le poète à l´amour, à la douleur, au bonheur, à la vie. Cette poésie lyrique, bien évidemment, ne montre pas la réalité des femmes, mais montre plutôt l´image que les hommes s´en faisaient et voulaient que nous nous en fassions.

La transgression de l´auteure, celle d´une femme qui ose prendre la parole, et qui en plus s´approprie du discours lyrique masculin, est évidente et va porter préjudice à la réception de son œuvre pendant quelques siècles. Contrairement à d´autres auteures, Labé va être mise à l´écart à cause du caractère philosophique et politique de son œuvre, bien plus qu´à la « féminité » de ses écrits car il ne s´agit pas dans ses œuvres « d´écriture féminine » mais féministe et de promouvoir les femmes, le féminin. Pour une femme, écrire est considéré comme un acte politique en soi, comme une transgression mais d´un acte féministe. Les Œuvres montrent une nouvelle perspective car c´est un discours sur le désir habituellement masculin par un « je » au féminin.

L´appropriation de la femme et sa domination sont évidentes dans la poésie de la Renaissance comme dans les sonnets de Ronsard où le corps de la femme est mis en relief. Ce n´est que le désir de l´homme qui compte et son contentement sur un corps (celui de la femme). Autour du corps féminin se développe des mythes et des traditions, par exemple, un corps qui fait peur, fétichisé, divisé, érotisé, fantasmé, vidé de son existence, de sa cohérence, de son intégrité, de sa réalité. Dans le Débat, c´est plutôt le corps des hommes ou des jeunes amoureux qui est présenté. Le corps de l´autre est vu comme instrument de plaisir. L´ironie montre le besoin d´inverser les codes.

Les femmes ont été longtemps muettes ou condamnées à une parole restreinte. Depuis très longtemps elles ont été condamnées au silence, elles ont eu une difficulté de s´exprimer et d´avoir accès à la parole. La réponse de Louise Labé à ce silence est, qu´elle décide de parler, d´assumer, de s´exprimer, de mettre à la lumière les femmes qui ont été invisibilisées, de leur donner la parole, et de montrer qu´elles ont le droit de s´exprimer, de sentir, d´être amoureuses, de désirer, de pleurer, de sourire. Qu´elles ne sont pas, que de simples objets, elles sont des êtres humains qui ont une pensée, des sentiments et des émotions. Labé veut démontrer que la femme n´est pas tout le temps douce, invisible, faible, tendre, maternelle. L´auteure veut rompre les stéréotypes et les préjugées sur la femme.

Cependant, dans les Élégies, nous retrouvons à peu près le même nombre de personnages féminins et masculins. Nous ne pouvons pas considérer que Louise fait la part aux femmes ou renvoie à davantage de personnages féminins. Dans les Sonnets, les personnages masculins et féminins s´alternent de temps en temps, sans vouloir faire disparaître ou effacer l´homme. Dans les Œuvres les genres se répartissent de façon égale. Elle ne cherche pas à surpasser l´homme mais à donner une voix aux femmes, à être l´égale des hommes. Elle veut maintenir l´équilibre entre le masculin et le féminin dans le texte.

Labé propose dans le Débat que les hommes ont besoin des femmes et vis-et-versa pour que la société fonctionne. Comme dit Badinter (1986) dans l´ouvrage L´Un est l´Autre, « L´Un n´est pas seulement le complément de l´Autre. Une part de l´Un se trouve aussi nécessairement dans l´Autre […] » (Badinter, ١٩٨٦, p. ٩٤). Labé rappelle aux lecteurs l´importance de l´être humain (femmes et hommes) dans la société. Par la suite, Badinter (1986) ajoute que « l´homme et femme vivent une expérience commune qui les unit dans le même concept d´Humanité au lieu de les isoler dans leur spécificité sexuelle » (Badinter, 1986, p. 96). L´auteure mentionne le respect mutuel des sexes comme le propose Labé dans ses œuvres. Nonobstant, en 1555, c´est plus important qu´une femme soit belle n´importe sa personnalité, ses pensées ou son opinion. Badinter (1986) explique que « la femme constitue toujours un danger dans l´imaginaire de l´homme […] elle est toujours perçue comme une menace de désordre et anarchie […] elle peut être assimilé à Satan » (Badinter, 1986, p. 104). À cette époque-là les femmes n´ont pas encore accès à l´éducation, malgré le renouveau humaniste. Labé utilise souvent l´antiphrase ironique contre une société qui considère encore que la femme instruite est un danger pour la société parce qu´elle pourrait s´éloigner des tâches domestiques qui lui est assigné et mettre en danger l´équilibre du cercle familial.

La recherche de l´émancipation des femmes mise en évidence par le texte de Labé, est le point principal du discours féministe de Louise. Elle veut promouvoir les femmes dans la société et dans la littérature en prenant compte de la diversité. Louise Labé est souvent le porte-parole du discours féministe et l´auteure sait très bien comment inverser les attentes : les femmes sont souvent considérées comme folles, surtout celles qui écrivent et veulent égaler les hommes.

Ce qui est très récurrent dans les œuvres de Labé est le motif de la femme guerrière. Par exemple, le mythe de Diane permet à Labé de se projeter dans plusieurs représentations symboliques d´elle-même. Les mythes présents (Diane, Sapho, Sémiramis et autres) ont comme point commun que ce sont des femmes aux qualités « viriles » non-négligeables, des guerrières qui ont su égaler ou dépasser les hommes. Le sujet lyrique se compare à des héroïnes et cela lui permet d´inverser les rôles établis. L´auteure réussit à créer une complicité avec son lecteur érudit de la Renaissance, mais aussi de remettre en cause l´ordre patriarcal.

Louise Labé incite les femmes, et elle-même à étudier et montrer aux hommes que les femmes sont aussi capables qu´eux. Il s´agit d´inciter les femmes à écrire. Labé est à la fois incitatrice et le modèle.

Dans le Débat, Folie, personnage féminin, constitue une revanche féministe sur les hommes qui invisibilisent les femmes. Puis, elle est aussi celle qui parle quand les femmes ont été condamnées au silence. Folie est celle qui a la parole et maîtrise la rhétorique. Louise Labé donne la parole à Folie pour établir un nouvel ordre qu´elle souhaite dans sa perspective féministe. Folie est émancipatrice, libératrice, et participe à l´entreprise féministe de Louise Labé. À travers son écriture, elle cherche la réconciliation et l´équilibre, pour avoir une communauté humaine mixte, partagée et harmonieuse.

Louise Labé est contre la clandestinité du discours amoureux soumis à une censure ou à un code dominant. Aimer c´est aussi l´exprimer. La littérature permet de s´émanciper, de se libérer de soi après s´être connu afin que l´amour soit permis par l´égalité, la réciprocité, la dualité et l´échange. L´auteure remet en question les hiérarchies déjà établies.

Les Œuvres peuvent être considérées comme une écriture du « féminin » et comme écriture « féministe », l´émancipation des femmes est tenu en compte en tant que mouvement humaniste. Pour certains critiques, le discours de Labé est considéré comme « féministe » mais aussi humaniste puisqu´il s´adresse aux femmes mais aussi elle s´adresse à tous ses lecteurs, donc à toute la société. L´invitation à écrire faite aux femmes se double d´une invitation à l´émancipation féminine : écrire c´est exister. Labé cherche des modèles qui ne soient pas que masculins. Elle veut elle-même servir d´exemple aux « dames lionnoises », les poussant à écrire et à aimer.

Conclusion

Pour conclure, Louise Labé est une femme qui est en avance par rapport à son époque. C´était une femme très cultivée, qui a eu une excellente éducation. Elle a eu la chance que son père avait une autre vision pour l´éducation des femmes de l´époque. Considérée comme l´une des plus grandes auteures du XVIème siècle. Elle a écrit plusieurs œuvres (élégies, sonnets et autres) où elle exprime ses passions extrêmes.

Louise Labé s´est inspirée de plusieurs auteurs de l´Antiquité pour écrire. Elle inverse les rôles : c´est la femme qui désire, et l´homme est l´objet. L´auteure utilise plusieurs artifices pour rendre ses œuvres intéressantes et particulières, par exemple, l´ironie, les hyperboles, le recours aux mythes et autres.

Dans les œuvres de Labé, la femme est présentée comme un être qui aime et désire. Elle n´est plus un simple objet d´admiration. Elle a le droit d´aimer, de désirer, d´être aimée, de s´exprimer, de réagir, de sentir, de fuir, d´agir et de parler. Elle n´est plus la femme muse muette et passive comme celle de Ronsard. C´est plutôt une femme en mouvement, dynamique, amoureuse, érotique, passionnée. Enfin, une femme qui est un être humain comme l´homme. Labé donne une voix à la femme qui a été condamnée pendant des siècles au silence, et donne un pouvoir d´agir.

Louise Labé a su profiter de sa position sociale, de son excellente éducation et de la vision de son père, pour ne pas rester en silence et soumise, mais d´en parler, de revendiquer pour les femmes l´égalité, la liberté et le droit à l´éducation. Louise Labé est une femme remarquable à la Renaissance car elle a exprimé cette inégalité dans ses œuvres en inversant les rôles masculins et féminins.

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Recepción: 30-10-19 Aceptación: 09-12-19